Ajout 06/11/2007 : Suite à des remarques des RIP, nous précisons que ce reportage donne une image de leur démarche qui a été déformée par les journalistes. Nos remarques sont donc à voir davantage comme des critiques du reportage que de leur approche.
Nous avons découvert sur Internet une vidéo intéressante pour illustrer les oppositions fréquentes entre des amateurs du paranormal et des pseudo-sceptiques. Cette vidéo met également en évidence un phénomène fréquent lorsque les journalistes tentent d’abord ces questions : un phénomène de clivage entre une recherche de sensationnalisme permettant d’attirer un maximum de téléspectateurs et une volonté de rationalité et d’esprit critique permettant de sauvegarder une certaine crédibilité au travail journalistique. Malheureusement, en ce domaine, comme dans la plupart de ceux qui sont méconnus et complexes, un tel abord mène généralement davantage au pire qu’au meilleur, comme c’est ici le cas :
Les amateurs du paranormal
Le reportage porte sur une équipe de jeunes adultes, les « Recherche Investigation Paranormal » (RIP). Il existe, en particulier aux Etats-Unis, de nombreux groupes de « chasseurs de fantômes » de ce type. Armés d’appareillages sophistiqués (ordinateur, caméra, pointeur laser thermique, détecteur de champ électro-magnétique, etc.), ces « ghost busters » se rendent dans des lieux réputés hantés dans pour y débusquer quelques esprits désincarnés.
Leurs représentations sont souvent « spirites » comme le montrent les questions à haute voix censées invoquer une « dame blanche » dans un vieux château. La présence de ces « dames blanches » est généralement en lien avec un évènement tragique, réel ou non, donnant lieu ensuite à un certain nombre de croyances et de rumeurs autour du château. Les RIP pensent que le matériel qu’ils utilisent pourrait permettre de mettre en évidence la présence de ces entités. Les RIP, dans cette émission, obtiennent une vision durant une seconde ou deux, des baisses de température étranges et quelques ressentis bizarres.
Le pseudo-sceptique
Henri Broch fait office dans ce reportage de scientifique et de sceptique, celui qui est censé apporter un regard qualifié et rationnel sur ce que rencontrent ces chasseurs de fantômes. Henri Broch est présenté comme « étudiant les phénomènes paranormaux » depuis plus de 30 ans. Il propose notamment un truc classique permettant de créer des illusions. Il est indiqué dans le reportage qu’Henri Broch « aimerait bien y croire », mais, comme il le précise lui-même :
Il n y a aucun laboratoire scientifique dans le monde qui a prouvé un phénomène paranormal…parce qu’on est en contact avec la plupart des laboratoires qui travaillent dans ce domaine.
Fin du reportage, laissant comme à l’accoutumée, une ouverture dans l’espoir, un jour, de voir du paranormal mis à jour..
Lecture zététique et parapsychologique
Étudions tout d’abord dans le détail les activités du RIP. Dans ce type de cas, ce qu’observent généralement ces chasseurs de fantômes n’a généralement rien d’inexpliqué. Nous pourrions proposer les explications suivantes :
→ d’artefacts provenant du matériel utilisé : « orbs » sur les photos, aspects particulier des enregistrements vidéos, changements de température normaux impliquant une variation au niveau du détecteur thermique, changement du champ électro-magnétique pouvant avoir des causes naturelles variées. Ce sont la conséquence de variations naturelles normales de l’environnement et de particularités du matériel utilisé. Cela peut parfois s’associer à des phénomènes de paréidolies auditive ou visuelle comme on en trouve fréquemment dans le registre de la « Trans Communication Instrumentale » (TCI).
→ de ressentis et d’impressions mal compris : il s’agit là de la conséquence de processus psychologiques en lien avec les phénomènes de hantise. Des psychologues et des parapsychologues étudient depuis plusieurs décennies cette question. Ces recherches démontrent notamment que dans certaines conditions, les perceptions des personnes peuvent être déformées, notamment en fonction de leurs croyances. Cela peut mener à des formes d’hallucinations plus ou moins brèves, et cela même par plusieurs personnes, telles que celles décrites dans le reportage. Elle sont notamment induites par les états modifiés de conscience qu’engendre le contexte si particulier d’un lieu réputé hanté. Sur ce sujet, nous conseillons en particulier la lecture des travaux de Richard Wiseman qui a pu reproduire en conditions contrôlées ces modifications des perceptions.
Ainsi, ce qu’observent les RIP dans ce reportage n’a a priori rien d’inexplicable vu les données présentes dans le reportage.
Face à ces amateurs du paranormal, Henri Broch propose un discours opposé typique du pseudo-scepticisme et qui consiste à :
→ Indiquer : « J’aimerais y croire moi aussi » mais je suis scientifique, Proposer un « truc » qui n’a rien à voir avec le phénomène rencontré par le pseudo-parapsychologue. Donner ainsi l’illusion que ce « truc » rend compte de façon globale de la phénoménologie en question,
→ Se présenter comme expert sur cette question,
→ Ne pas se référer aux travaux scientifiques de sceptiques et de parapsychologues universitaires permettant de penser le phénomène rencontré,
→ Porter un jugement global sur tout le « paranormal » en affirmant : »Il n’existe aucune expérience de laboratoire prouvant un phénomène paranormal ».
Ce à quoi nous pourrions répondre :
→ Il n’est pas question de croyance : il est question de faits et d’expériences scientifiques,
→ Ce n’est pas parce qu’un « truc » permet facilement de créer un phénomène que ce truc rend compte nécessairement de l’ensemble des causes pouvant mener à ce type de phénomène,
→ Henri Broch n’est pas un parapsychologue ou un scientifique travaillant sur ces questions. Comme indiqué sur le site l’université Sophia-Antipolis, le paranormal n’est pour Henri Broch qu’un « support motivant » pour diffuser la pensée scientifique. Henri Broch use fréquemment dans les médias de ce décalage permettant de laisser croire au téléspectateur qu’il effectue des recherches scientifiques en ce domaine.
→ Il existe de nombreuses expériences scientifiques mettant en évidence des effets qui pourraient être qualifiés de « paranormaux, en conditions contrôlées, et qu’il importe d’expliquer. Porter un tel jugement comme le fait Henri Broch revient à dénier le travail de l’ensemble des scientifiques dans ce champ de recherche. Ce travail de déni repose qui plus est sur le fait de donner l’impression d’être en contact avec les laboratoires travaillant sur ces questions, ce qui est faux. C’est là un travail de désinformation classique du pseudo-scepticisme qui consiste à nier l’existence scientifique des travaux scientifiques de qualité dans ce domaine.
Or, nous constatons que ce type d’oppositions est classique dans les médias. Elles ne mènent nulle part car chacun campe sur ses croyances. Il en est certainement de même chez les téléspectateurs : cette façon de traiter ce sujet maintient et encourage ce clivage entre d’un côté des amateurs qui s’intéressent à ces phénomènes et des sceptiques qui proposent des arguments erronés et ne rendant pas compte de ce que rencontrent les amateurs du paranormal. Le seul moyen d’éviter ce type d’écueil consiste à consulter les scientifiques et les expériences de ce domaine.