Comme de nombreux pays industrialisés, l’Allemagne possède une antenne du CSI (ex-CSICOP) comme référence en matière de scepticisme. Sauf que, dans les années 90, cette organisation sceptique a connue une scission interne avec plusieurs de ses membres fondateurs dénonçant des pratiques pseudo-sceptiques chez leurs collègues. De quoi s’agissait-il ? N’y a-t-il pas un front uni, une bannière de la raison souveraine, derrière laquelle tout scientifique consciencieux peut se tenir ?
En réalité, ce qui est arrivé à la GWUP (Gesellschaft für wissenschaftliche Untersuchung von Parawissenschaften, ou Société pour l’Investigation Scientifique des Parasciences) s’était déjà produit pour le CSICOP lui-même avec le départ d’un de ses membres fondateurs, Marcello Truzzi. Au sein même du scepticisme, nul n’est à l’abri de dérives idéologiques liées au fait que les questions posées par les anomalies peuvent très angoissantes chez certains. Plusieurs besoins psychologiques viennent motiver certaines conduites qui, tout en se prétendant rationnelles, vont à l’encontre de la démarche scientifique critique.
Sans rentrer dans une pathologisation du pseudo-scepticisme, mais plutôt pour tenter d’en comprendre les ressorts d’un point de vue psycho-social, l’un des fondateurs et dissidents du GWUP, Edgar Wunder (connu notamment pour ses travaux critiques sur l’astrologie), a fait entrer l’ensemble de ces conduites dans un syndrome du « sceptique ».
Sur le premier site Internet créé par ces dissidents du GWUP, on trouve plusieurs articles relatifs au pseudo-scepticisme dans la lignée de Marcello Truzzi. Mais ces chercheurs, dont plusieurs sont universitaires, ne travaillent pas qu’en opposition au scepticisme fallacieux. Ils produisent eux-mêmes de nombreux travaux critiques sur les parasciences et organise régulièrement des congrès ouverts à tous. Les meilleurs critiques de langue allemande, comme Andreas Hergovich, en sont membres.
C’est donc tout logiquement que ces dissidents du GWUP ont créé en 1999 une Société pour l’Anomalistique (Gesellschaft für Anomalistik, GfA), connue tout d’abord sous le nom de « Forum des Parasciences ». L’Anomalistique se veut une approche scientifique des anomalies, qui découle directement de l’approche critique et scientifique des phénomènes paranormaux. C’est parce qu’il voulait éviter tout corporatisme et tout positionnement en terme de « tenants » ou « opposants » que Marcello Truzzi a utilisé cette appellation qui succédait au nom de zététique. L’anomalistique étudie le paranormal au sens large (astrologie, ufologie, etc.), et non au sens restreint des parapsychologues, et c’est pourquoi elle est souvent rapprochée du fortéanisme ou de l’exploration scientifique. Toutefois, ces rapprochements ne tiennent pas compte de l’accent mis par l’anomalistique sur l’analyse critique, le débat académique et l’emploi de modèles issus des sciences humaines.
D’après le Livre blanc de la parapsychologie publié par l’IMI, voici une présentation de la GfA :
Les buts de cet organisme sont proches de ceux de la Society for Scientific Exploration, c’est-à-dire encourager les échanges et les publications critiques et interdisciplinaires concernant les anomalies scientifiques, les expériences humaines extraordinaires, et les parasciences, en prenant en compte les contextes sociaux et psychologiques dans lesquels émergent les revendications anomales. La GfA insiste sur la nécessité d’une méthodologie académique et d’une approche objective de ces questions. La GfA ne prend pas position concernant les différents sujets étudiés et ses membres ne parlent qu’en leur nom lorsqu’ils émettent de telles opinions. Cependant, la GfA cherche explicitement à dénoncer et critiquer les positions dogmatiques et préconçues, qu’elles soient diffusées par des groupes « sceptiques » ou « croyants ».
La société publie quelques ouvrages spécialisés, une revue (Zeitschrift für Anomalistik) et une newsletter où est notamment exposée une « recherche du mois ». Les trois domaines d’investigation les plus travaillés sont l’astrologie, la parapsychologie et l’ufologie.