Les origines du problème
Depuis la fin du XIXe siècle, des sociétés de recherche ont été fondées par des universitaires et des érudits avec l’objectif d’étudier scientifiquement les phénomènes réputés paranormaux. La plus célèbre est la Society for Psychical Research, fondée en 1882, et dont l’objectif est toujours d’ :
« étudier de nombreux phénomènes controversés, sans préjudice ou prédisposition d’aucune sorte et dans le même esprit d’exactitude et d’objectivité qui a permis à la science de résoudre de si nombreux problèmes ».
Tout au long du XXe siècle, un petit nombre de scientifiques et de chercheurs continuèrent à travailler pour essayer d’expliquer scientifiquement les expériences appelées, à tort, paranormales. Ils se sont rassemblés pour la plupart au sein d’une association professionnelle appelée la Parapsychological Association et faisant partie de l’American Association for Advancement of Science depuis 1969. La Parapsychological Association est aujourd’hui composée de plus de 200 membres qui sont pour la plupart des scientifiques et des universitaires. Ils publient leurs recherches dans des revues mainstream et spécialisées et tentent encore aujourd’hui de répondre à ces questions.
Les résultats qu’ils ont obtenus ont fait l’objet de nombreuses critiques. Leurs protocoles ont cependant progressivement été améliorés. Aujourd’hui, ces recherches mettent en évidence des effets statistiques que personne n’est en mesure d’expliquer. Les résultats ainsi obtenus n’ont cependant pas permis à la communauté scientifique d’atteindre un consensus. En effet, ils conduisent à des questionnements légitimes : Ces résultats sont-ils fiables ? Sont-ils la conséquence d’artefacts, d’erreurs ou de fraudes ? Sont-ils réellement la conséquences d’interactions que nous ne comprenons pas ? Que faire de ces résultats et comment les intégrer à l’ensemble des connaissances scientifiques ?
Parallèlement à ces recherches, l’engouement pour le paranormal est devenu de plus en plus prégnant dans notre société au point qu’une majorité de la population mondiale croient en un certain nombre de ces phénomènes réputés paranormaux. S’agit-il de la résurgence de la pensée magique et de troubles mentaux ? De la conséquence du manque de rigueur de l’enseignement actuel ? Ou bien certaines de ces croyances sont-elles la conséquences d’expériences réelles que nous ne comprenons pas ? A l’heure actuelle, personne n’est en mesure de répondre de façon définitive à ces questions.
Inquiétés par cet engouement pour le paranormal et les dérives qui lui sont associées, d’autres scientifiques travaillant dans des domaines classiques commencèrent à souhaiter diffuser la pensée scientifique pour lutter contre la diffusion du paranormal dans notre société. Ils se sont rassemblés pour la plupart dans l’organisme américain CSICOP rebaptisé aujourd’hui CSI, et ses filiales dans le monde entier. L’objectif de ces scientifiques, appelés sceptiques, était tout à fait noble et rejoignait en partie l’approche des membres de la Parapsychological Association : étudier scientifiquement les phénomènes prétendus paranormaux et diffuser auprès du public les résultats des recherches sur le sujet. L’objectif était également d’éduquer le public envers un certain nombre de phénomènes censés être paranormaux et qui sont en réalité tout à fait explicables par nos connaissances actuelles.
Le début et le développement du pseudo-scepticisme
Mais, quelques années après leur création, les organismes sceptiques ont adopté une politique de recherche qui excluait l’approche expérimental pour se contenter de la critique. Une scission commença à apparaitre entre des sceptiques « soft » qui étaient pour une approche ouverte et empirique et des sceptiques « hard » dont l’objectif était uniquement de lutter contre le paranormal, même s’il fallait pour cela traiter par le mépris et le ridicule les autres chercheurs. Pour ces derniers, il est évident qu’aucun des phénomènes paranormaux revendiqués n’a de réalité. En conséquence, leur approche se veut principalement un travail d’information et de diffusion auprès des médias de la méthode scientifique.
Certains sceptiques scandalisés par une telle approche, en particulier Marcello Truzzi, quittèrent ces organismes pour proposer un scepticisme plus sain, fondé sur le doute et la rigueur scientifiques, et non sur le ridicule, la moquerie (« debunking ») et parfois, malheureusement, le mensonge. Marcello Truzzi créa ainsi le terme de « zetetic » et édita pendant plusieurs années le « Zetetic Scholar » qui permettait des échanges de qualité concernant l’étude scientifique des phénomènes paranormaux. Un courant sceptique international poursuit sur cette lancée, généralement dans une approche qualifiée d’ »anomalistique ».
Pendant ce temps, les sceptiques « hard » continuèrent inlassablement leur travail visant à ridiculiser la recherche parapsychologique. Certains sceptiques, comme le célèbre magicien James Randi, firent même carrière autour d’une telle approche en proposant notamment un prix d’un million de dollars pour toute personne qui pourrait prouver l’existence d’un phénomène paranormal. Pourtant, une analyse détaillée du travail de James Randi met en évidence de nombreuse erreurs et approximations dans ce qu’il avance. Plus grave encore, Randi n’a pas hésité dans plusieurs cas à mentir et il fut même condamné à plusieurs reprises pour diffamation. Aujourd’hui encore, et malgré tout cela, une grande partie du public et des sceptiques, qui ne sont pas au courant de ces dérives lui font aveuglement confiance.
Une telle approche s’est également diffusée en France, en particulier par le biais du biophysicien Henri Broch qui reprit le terme de zététique de Truzzi mais qui le détourna de son objectif initial. Tout comme Randi, Henri Broch diffuse une approche sceptique particulièrement dure fondée sur le mépris des parapsychologues. Ses ouvrages recèlent également de nombreuses erreurs et approximations. Henri Broch évite également scrupuleusement toute allusion aux recherches scientifiques sur le sujet qui ne vont pas dans son sens.
Différents groupes sceptiques amateurs, qui ne sont pas forcément constitués de scientifiques, diffusent plus largement une telle approche depuis de nombreuses années. Leur objectif est de façon prioritaire de sensibiliser le public par le biais des médias en utilisant généralement les mêmes techniques de désinformation dont ils ne sont même pas conscients.
Les conséquences du pseudo-scepticisme
Aujourd’hui, ce travail de désinformation est tel qu’il engendre de graves conséquences :
→ il entrave le développement de recherches scientifiques sur les expériences « paranormales ». En effet, la plupart des scientifiques n’osent pas travailler sur ces questions de peur d’être ridiculisés à leur tour. En conséquence, le niveau de la recherche reste faible et ces questions restent pour la plupart sans réponses.
→ Cette situation est particulièrement forte en France où il n’existe aucun centre de recherche universitaire. En comparaison, la Grande-Bretagne compte pas moins de 10 laboratoires de recherches universitaires spécialement dédiés à ces sujets. La France risque ainsi de prendre un retard certain dans ce domaine sur le plan scientifique.
→ Les personnes qui vivent des expériences paranormales n’osent pas en parler. Décrites comme étant sujettes à des croyances, à une mauvaise éducation ou à des troubles mentaux dans une partie de la littérature sceptique, la plupart des personnes ne parlent pas de ce qu’elles vivent. Des études cliniques ont pourtant démontré que près d’une personne sur deux vit au moins une de ces expériences au cours de sa vie et qu’elles peuvent avoir des conséquences dramatiques quand elles ne sont pas prises en compte.
→ Cette situation laisse également le champ libre au charlatanisme et aux sectes. Face à l’absence d’un discours scientifique rigoureux mais ouvert sur ces questions, une pensée populaire associée au paranormal se développe avec de graves dérives. Un certain nombre de personnes se détournent justement de la science, persuadée que les scientifiques sont fermés à ces sujets. Il existe pourtant une recherche scientifique ouverte et de qualité sur ces questions qui peut permettre d’éduquer le public et de leur transmettre les connaissances actuelles.
Que faire ?
Le travail des laboratoires universitaires à l’étranger permettent aujourd’hui de savoir beaucoup de choses concernant les expériences paranormales. Un certain nombre d’entre elles commencent même à être très bien expliquées (par exemple les sorties hors du corps ou OBE).
Durant de nombreuses années, les scientifiques travaillant sur ces questions n’ont pas voulu – ou n’ont pas pu – répondre à ce lent travail de désinformation effectué par certains sceptiques. Mais avec le développement d’Internet, il devient possible de mettre en évidence ces dérives.
Pseudo-scepticisme.org a donc été créé dans le but d’informer les journalistes, le grand public mais aussi les scientifiques qui sont souvent eux-mêmes dupés par les procédés de désinformation mis en place par certains sceptiques. Ce site est également destiné à certains membres de groupes sceptiques qui propagent souvent, à leur insu, des informations erronées, ne vérifiant pas systématiquement des sources dites « sceptiques ». Nous souhaitons donc attirer l’attention sur des dérives qui n’ont pas lieu d’être, et cela non pas pour prouver tel ou tel phénomène extraordinaire, mais pour favoriser le développement d’une recherche scientifique saine et ouverte, un scepticisme respectueux sachant à la fois prendre en compte la parole de ceux qui vivent ces expériences et les critères scientifiques les plus strictes.